Présentation
Niveaux conseillés : 6e, lycée professionnel
C’est évidemment à la 6e que l’on pense, lorsqu’il s’agit d’étudier au collège le conte, dans la mesure où cette étude, comme celle du merveilleux et du récit figurent dans les programmes. Les mêmes programmes recommandent expressément la lecture de contes de Hans Christian Andersen.
Lire des contes n’est pas une nouveauté pour les élèves qui arrivent au collège ; mais l’approche, pour eux, pourra paraître nouvelle : davantage que dans les classes antérieures, il s’agira de les analyser en détail, sans rien enlever au plaisir de la lecture et de la découverte des histoires.
Le présent travail pourra également être proposé à des élèves de lycée professionnel, auxquels il faudra faire lire des textes facilement accessibles et qu’il faudra sensibiliser à l’étude du récit.
L’auteur
Hans Christian Andersen naît le 2 avril 1805 à Odense, au Danemark. Issu d’une famille pauvre et démunie (son père est cordonnier, sa mère blanchisseuse) son enfance est marquée par des conditions de vie difficiles ainsi que par une fragilité physique et émotive. L’école est pour lui une source d’ennui et d’humiliation, il y obtient de mauvais résultats. Il développe cependant un intérêt pour la littérature dès son enfance et mémorise des pièces entières de Shakespeare.
Son père meurt en 1816 et Andersen est alors obligé de travailler, d’abord chez un tailleur, puis dans une usine de tabac.
A l’âge de quatorze ans, il quitte Odense pour Copenhague dans le but de faire du théâtre et de devenir chanteur d’opéra. C’est un échec, mais il y rencontre des intellectuels et des gens de théâtre (Jonas Collins, notamment, directeur du Théâtre royal) qui l’incitent à retourner a l’école et à parfaire son éducation. Il obtient son baccalauréat en 1827 et s’essaie à divers genres littéraires : poésie, théâtre, romans, puis récits fantastiques.
En 1829, la publication d’une nouvelle fantastique, Un voyage à pied depuis le canal Holmen jusqu’au point d’Amager, marque son premier succès.
Son premier roman, L’improvisateur, paraît en 1835 et connaît un succès immédiat. Au travers d’une histoire largement autobiographique, il y aborde le thème de la marginalité, un thème récurrent dans l’œuvre d’Andersen, que l’on retrouve notamment dans Le vilain petit canard.
La même année paraît un recueil intitulé Contes et dont les récits sont largement inspirés de légendes traditionnelles danoises ainsi que des histoires qu’il a lues ou entendues enfant. Ce premier volume est complété en 1836 et 1837.
Andersen commence une seconde série de contes en 1838 sous le titre de Nouveau Contes (publiés à partir de 1843), et une troisième série en 1843 (publiée jusqu’en 1848) intitulée Nouveaux Contes et histoires.
Parmi ses contes les plus connus, on trouve Les Nouveaux Habits de l’empereur, La Princesse sur le pois ou encore La Petite sirène. A la fois plus personnels et plus originaux, ces contes dégagent une magie qui tient autant à la présence de reines et de rois réels ou imaginaires qu’à l’intervention d’animaux, de plantes ou de créatures magiques. En mêlant le merveilleux et l’ironie, Andersen ne s’adresse pas seulement à un public enfantin mais aussi et avant tout à des adultes. Au travers d’histoires parfois triviales en apparence, il dépeint des attitudes et des traits de caractère humains de façon saisissante. Il renouvelle ainsi le genre, tant au niveau du contenu que du style, usant des expressions et des mécanismes du langage parlé, ce qui est tout à fait nouveau dans la tradition littéraire danoise de l’époque.
Ses romans et ses contes sont traduits dès la fin des années 1830, d’abord en Allemagne, où il séjournera régulièrement, puis dans de nombreux pays d’Europe, lui assurant ainsi une renommée internationale grandissante.
C’est aussi dans les années 1830 qu’il commence une série de nombreux voyages qui seront l’occasion pour lui de rencontrer d’autres figures artistiques influentes de l’époque et qui constitueront une source d’inspiration pour certains de ses romans et des ses récits de voyage. Ainsi, en 1835, il effectue son premier grand voyage en Europe grâce à un petit viatique du roi. Après avoir visité la Suède en 1837, il effectue son second grand voyage en Europe en 1841 et 1842. Lors d’un voyage à Paris en 1843, il fera la connaissance de Balzac, d’Hugo et de Lamartine et il rencontrera Dickens en 1847 lors de son premier voyage en Angleterre.
Alors que ses contes continuent à paraître en épisodes (jusqu’en 1872), il publie aussi des récits de voyage (En Suède, 1851 ; En Espagne, 1862) et certaines de ses pièces sont représentées dans de grands théâtres (La fleur du bonheur jouée au Théâtre Royal en 1845).
Le succès que rencontre ses contes et sa célébrité grandissante lui valent de nombreuses amitiés et des récompenses de la part de plusieurs couronnes d’Europe : il est décoré par le roi de Prusse et par le roi du Danemark en 1845 et il reçoit la croix de première classe de commandeur de Dannebrog en 1875, quelques mois avant de mourir. Il est aussi régulièrement invité à séjourner dans les résidences princières ou royales au Danemark et à l’étranger.
Il meurt le 4 aout 1875 à Copenhague, laissant derrière lui une œuvre qui inspirera nombre d’artistes et qui fera le bonheur de millions de lecteurs, enfants ou adultes, conquis par un univers qu’il aura mis 37 ans à bâtir. Il est enterré au cimetière d’Assistens à Copenhague.
L’oeuvre
1. Le conte, de la tradition orale au genre littéraire
La particularité du conte est de relever, à l’origine, de la tradition orale et populaire. Se faisant sans le recours à l’écrit, sa transmission impliquait de fait des modifications perpétuelles et laissait place à l’imagination de chaque conteur. Longtemps considéré comme un genre mineur il ne commence à être fixé à l’écrit qu’à la Renaissance et n’intègre la littérature académique qu’à partir du XVIIe siècle en gagnant les faveurs des salons littéraires de l’époque.
S’il est devenu un genre littéraire à part entière, le conte se caractérise par sa grande diversité. Il n’est pas forcément merveilleux même si cette forme est la plus courante. C’est avant toute chose un récit, une narration. Il est généralement bref, se réfère au passé et comporte un nombre restreint de personnages. Bien souvent, les faits ne sont pas datés, appartiennent à un passé lointain ce qui confère une intemporalité au conte. Des formules telles que « Il était une fois », « Il y a bien longtemps » sont ainsi fréquentes. De même, les lieux présentés ne peuvent être situés avec précision. Il s’agit davantage de décors tels que châteaux, forêts, lacs… Comme d’autres formes de récit, la troisième personne ainsi que l’emploi du passé-simple et de l’imparfait sont prédominants. A la différence du fantastique, caractérisé par l’irruption du surnaturel dans un univers familier et par les hésitations du lecteur, le merveilleux place d’emblée le lecteur dans un monde coupé du réel et de toute rationalité.
2. Les contes d’Andersen, une tonalité particulière
Si les contes d’Andersen reprennent certaines des caractéristiques évoquées précédemment, ils se singularisent sur de nombreux points. Leur dimension autobiographique doit tout d’abord être considérée (cf les thèmes de l’œuvre). Elle ne se retrouve ni chez les frères Grimm ni chez Perrault. Au niveau stylistique, la langue orale imprime ensuite un caractère tout à fait original à l’œuvre d’Andersen. Elle révèle le souci constant de l’auteur d’être compris des plus jeunes. Des critiques lui ont d’ailleurs reproché de ne pas écrire en danois correct et ne se sont pas privé de souligner les nombreuses entorses syntaxiques et grammaticales de ses contes. A ce propos, les traductions les plus récentes des contes, notamment celle de Marc Auchet (cf bibliographie), sont plus fidèles au style d’Andersen (notamment les mots d’enfants et la langue orale). Ceci n’implique cependant pas que les contes étaient uniquement destinés aux enfants. Si la mention « racontés aux enfants » figure dans les premiers volumes, elle finit par ne plus apparaître.
Enfin, Andersen donne une tonalité particulière à ses histoires et revisite par là le genre du conte populaire. Un rythme enlevé associé à une certaine concision et une tonalité humoristique constituent la marque de l’auteur et ne se retrouvent pas dans d’autres contes populaires contemporains ou antérieurs. La solennité et la dimension parfois convenue des frères Grimm sont étrangères à Andersen qui aime jouer avec les mots, les sonorités, refusant de se poser en moralisateur et osant recourir au tragique et aux fins malheureuses. Quant au merveilleux des contes, il s’empare très souvent du quotidien, du familier sans recours systématique à l’extraordinaire, au surnaturel.
Les thèmes
Aborder les thèmes présents dans l’œuvre d’Andersen c’est évoquer les sources d’inspiration de l’auteur (légendes, fabliaux, folklore scandinave…) mais aussi et surtout l’existence de celui-ci dans la mesure ou bien souvent son personnage, sa propre vie constituent la matière première de ses contes. Ce peut être le cas lorsqu’il reprend les histoires qu’il a entendues au cours de son enfance (grand-mère, père) ou lorsqu’il s’appuie sur ses souvenirs d’enfant et des épisodes de sa vie d’adulte (échecs, voyages…).
Avant de détailler la diversité thématique de l’œuvre d’Andersen, il faut considérer la distinction que l’auteur lui même avait établie entre deux familles de contes. D’un côté les eventyr caractérisés par des péripéties multiples, des rebondissements avec des éléments merveilleux de type plus féérique que fantastique (La Petite sirène, Le Vaillant soldat de plomb). De l’autre les historier, souvent plus réalistes, plus proches de la fable et donc plus courts (Les Nouveaux Habits de l’empereur).
1. La métamorphose
Ce thème est présent dans de nombreux contes mais il revêt des formes et des significations qui peuvent varier. Il est intimement lié au vécu de l’auteur dans la mesure où la métamorphose peut constituer un moyen de fuir un milieu, un environnement, une condition. Issu d’un milieu modeste, Andersen ne s’est effectivement jamais vraiment senti à sa place au sein de l’élite intellectuelle ou bourgeoise de la société danoise de l’époque. Par surcroit, il n’a jamais été véritablement aimé, en a souffert et a toujours eu conscience du fait d’être à part, différent (même physiquement d’ailleurs). Comment donc ne pas voir dans la métamorphose du vilain petit canard en cygne l’ascension sociale et la réussite d’Andersen ayant vaincu préjugés et critiques d’une élite étriquée ?
La petite sirène constitue aussi une variation sur le thème de la métamorphose. Si les motivations sont opposées aux précédentes (la petite sirène ne souffre pas de son appartenance sociale) la démarche est la même : changer de nature pour accéder à une autre vie.
2. La critique sociale
Andersen naît dans une famille extrêmement modeste. Son père est cordonnier et sa mère n’a pas reçu d’instruction et sombre dans l’alcoolisme après son remariage. Très tôt il se met à écrire et aspire à la gloire littéraire. S’il fréquente désormais les cercles les plus en vue au Danemark et en Europe, il n’en a pas moins oublié ce qu’il a connu et ses écrits lui fournissent l’occasion de dénoncer la dureté, la cruauté de la société de l’époque. La petite fille aux allumettes peut être vue comme une dénonciation du travail des enfants, de leurs conditions de vie dans les milieux populaires et de l’indifférence de la société face à cela.
Comme à son habitude, c’est avec une économie de moyens qu’Andersen exprime les choses. Le commentaire d’un badaud, « Elle a voulu se réchauffer », y suffit. Familier des cours européennes et de la haute société, il raille aussi volontiers la vanité et la fatuité des élites et des puissants. Au besoin, il recourt à la farce et la satire comme dans Les Nouveaux Habits de l’empereur où il raille l’obsession de paraître et la bêtise d’un homme mais aussi de ceux qui, par instinct grégaire, n’osent faire éclater le scandale. Enfin, Andersen pointe aussi ces comportements qui visent à hiérarchiser les individus et donc à exclure. Dans Le Vilain petit canard, probablement le plus autobiographique de ses contes, nous pouvons constater combien être différent peut susciter le rejet voire l’agressivité des autres.
Cette dimension critique se passe cependant de morale et les contes d’Andersen ne sont pas des manifestes. Montrer les errements de ses contemporains certainement, prendre la posture du donneur de leçons et du redresseur de torts certainement pas.
3. La nature
Thème de prédilection des romantiques, la nature occupe une place de choix dans la littérature scandinave. Sans surprise donc, ce thème est récurrent dans l’œuvre d’Andersen. Végétaux et animaux sont donc des personnages à part entière (L’Escargot et le rosier, Le Rossignol, Le Dernier rêve du vieux chêne, Le Vilain petit canard…). Cependant, à la différence de La Fontaine, les contes d’Andersen n’ont pas de visée moralisatrice ou de portée anecdotique. Les descriptions sont toujours précises et révèlent sa très bonne connaissance de la faune et de la flore. Ceci s’accompagne aussi parfois d’un lyrisme et d’une emphase révélateurs de son admiration pour la beauté des paysages et du spectacle de la nature.
4. Le voyage
Voyageur impénitent, Andersen a parcouru l’Europe tout au long de son existence et, sans surprise, le thème du voyage, de la découverte du vaste monde, est une composante incontournable de son œuvre. N’oublions pas qu’il effectue son premier périple à 14 ans, lorsqu’il quitte Odense pour Copenhague ! Si le voyage est source d’émerveillement et de découverte, il est aussi un moyen privilégié de transformation et de métamorphose. Il permet souvent d’accéder à un autre état. Considérons donc la fuite du vilain petit canard qui rejoint les cygnes comme le moyen pour celui-ci d’accéder à sa véritable nature et à sa nouvelle existence. Quant à la petite sirène, c’est son premier voyage à la surface qui engendre son souhait de changer d’état, son second voyage chez la sorcière qui lui permet d’accéder à ce souhait et son troisième voyage auprès du prince de connaître la réalité du monde des humains. Bien souvent le voyage des héros d’Andersen s’apparente à un rite de passage dans la mesure où il exige volonté, efforts et constance de la part de celui qui l’entreprend.
5. La religion
La religion occupe une place importante dans l’œuvre d’Andersen. Sous des formes différentes (les rites, Dieu, les anges, la mort), elle figure dans presque tous les contes. Andersen a été élevé dans une famille luthérienne et demeurera pratiquant, à l’image de la société danoise de l’époque.
La mort est présente dans La Petite sirène et dans La Petite fille aux allumettes. Dans ce dernier, il est explicitement fait référence à une vie dans l’au-delà après la mort : « elles s’envolèrent joyeuses…elles étaient chez Dieu ». De même la petite sirène souhaite accéder à l’humanité et ainsi assurer l’éternité de son âme. Plus généralement la mort ne revêt pas chez Andersen la dimension tragique et douloureuse que l’on trouve communément. Elle se présente davantage comme un aboutissement voire une délivrance, en tout cas l’accession de l’âme à l’éternité.
Dieu est aussi cité dans de nombreux contes. Lorsque c’est le cas, les personnages semblent souvent s’en remettre totalement à lui et suivre scrupuleusement ses conseils, injonctions, décisions. Si dans quelques cas la parole divine est remise en question ou contestée, elle finit par s’imposer et être acceptée.