HOSTIES NOIRES, IN ŒUVRE POÉTIQUE
Léopold Sédar Senghor
Niveaux conseillés : 1ère, 2nde
La poésie de Senghor étant difficile, ce dossier concerne d’abord des classes de 1ère, avec l’étude d’une oeuvre intégrale pour l’oral de l’épreuve anticipée de français : le recueil Hosties noires. Pour ceux qui préféreraient aborder l’objet d’étude « Poésie » à travers un groupement de textes d’auteurs différents, un groupement (incluant un poème d’Hosties noires) est également proposé. Cependant, avec une classe de 2nde d’un bon niveau, il est possible de construire une séquence croisant l’étude de la poésie avec l’objet d’étude « L’éloge et le blâme ».
Qu’elle s’adresse à l’un ou l’autre des deux niveaux, cette séquence permet d’aborder la question de la poésie engagée et devrait motiver les élèves autour de questions d’actualité qui sollicitent directement leur conscience et leur engagement citoyens : le travail de mémoire envers notre histoire coloniale, le rôle et l’image des tirailleurs sénégalais pendant les deux guerres mondiales, mais aussi le dialogue des cultures et les valeurs toujours actuelles du mouvement de la Négritude (reconnaissance de la valeur de chaque culture, dialogue des cultures, richesse de l’art africain, …).

Présentation

L’auteur

Léopold Sédar Senghor est né le 9 octobre 1906 à  Joal, petit village côtier du Sénégal situé à  120 kilomètres au sud de Dakar, dans la région sérère du Sine. En 1913, son père, un notable aisé, l’envoie à  la mission catholique de Joal. Senghor est donc très tôt formé à  la culture occidentale et à  la religion catholique, formation qu’il poursuit à  Dakar au collège séminaire Libermann jusqu’en 1928. Après avoir passé avec succès son baccalauréat, il obtient une bourse pour continuer ses études en France, et part faire une classe préparatoire au prestigieux lycée Louis-le-Grand. C’est là  qu’il rencontre Georges Pompidou, avec qui il restera toujours ami, mais également Aimé Césaire, autre grand ami au contact duquel vont naître le concept et le mouvement de la « Négritude ». En 1935, il est reçu à  l’agrégation de grammaire et devient le premier Africain agrégé. Il est d’abord nommé dans un lycée de Tours, puis, en 1938, à  Saint-Maurdes- Fossés. Ses premiers poèmes sont publiés en revue en 1939, juste avant sa mobilisation dans l’armée française. Fait prisonnier par les Allemands, il fait l’expérience douloureuse des camps de travail entre 1940 et 1942. Deux événements importants marquent, en 1945 les débuts de sa double carrière de poète et d’homme politique : son premier recueil, Chants d’ombre, est publié au Seuil, et il est élu député du Sénégal à  l’Assemblée constituante. En 1955-1956, il devient secrétaire d’état à  la présidence du Conseil dans le cabinet d’Edgar Faure et participe activement aux débats sur l’autonomie des colonies. En 1960, le Sénégal accède à  l’indépendance et le 5 septembre, Senghor remporte les élections présidentielles : débutent alors vingt ans de pouvoir à  la tête de l’état sénégalais, qu’il quitte volontairement avant la fin de son cinquième mandat, en décembre 1980. Parallèlement, Senghor poursuit sa carrière d’homme de lettres en publiant, de 1948 à  1993, cinq nouveaux recueils de poèmes et cinq épais volumes d’articles et de conférences dans lesquels il défend inlassablement les valeurs de la culture négro-africaine et sa vision d’une humanité réunifiée, par-delà  les fractures de l’Histoire, autour des apports complémentaires de chaque culture (c’est ce qu’il nomme la « Civilisation de l’Universel »). Après 1980, Senghor partage sa retraite entre Paris et Verson (village normand situé près de Caen où son épouse possède une propriété), en recevant les honneurs qui lui sont dus : élection à  l’Académie française en 1983, célébration par l’UNESCO de son quatre-vingt-dixième anniversaire en 1996. Il s’éteint à  Verson le 20 décembre 2001, à  l’ge de 95 ans. [Haut de page]

L’oeuvre

Hosties noires, publié en 1948, est le deuxième recueil de Senghor. Le poète y retrace son expérience douloureuse de la guerre et des camps de travail, douloureuse parce qu’il rencontre partout, de manière exacerbée, le mépris pour l’homme noir. Pour lui qui s’est engagé dans la défense de la Négritude (c’est-à -dire, selon sa propre définition, « l’ensemble des valeurs de civilisation du monde noir »), l’humiliation physique et morale que réservent les pays occidentaux à  ses frères d’arme est insupportable. Elle apparaît d’abord dans les camps de travail, où les soldats africains, séparés des autres prisonniers, sont particulièrement maltraités et soumis à  un racisme que le contexte carcéral rend encore plus violent. Mais elle se manifeste également dans l’ingratitude et l’oubli total de la France pour ses troupes coloniales. Face à  ces oublis criminels, le poète tente, dans Hosties noires, de restaurer la mémoire des soldats noirs engagés pendant la guerre et prend la défense des valeurs culturelles et morales de l’Afrique à  travers l’éloge de ses camarades. Mais contrairement aux autres poètes de la Négritude qui dénoncent très violemment la puissance coloniale française, Senghor, fortement marqué en cela par son éducation chrétienne, dépasse la haine et le ressentiment pour prôner le pardon et annoncer un monde de paix et de fraternité à  travers le sacrifice de ses confrères africains. La métaphore chrétienne du titre du recueil est donc à  comprendre en ce sens : de même que l’hostie rappelle le sacrifice du Christ pour le salut de l’humanité, les soldats africains sont des « hosties noires », sacrifiés pour qu’advienne un monde meilleur où les races et les nations vivront en harmonie.

Les thèmes

Dans ce recueil lyrique où le poète, par-delà  son expérience individuelle, prend la parole au nom de tous les soldats africains, la relation entre la poésie, le chant d’éloge et la mémoire se construit autour des quelques thèmes majeurs qui suivent : – un travail de mémoire pour sortir les soldats noirs de l’oubli ; – l’éloge funèbre des combattants africains morts au combat ; – des valeurs humaines fondamentales : l’honneur, la dignité, le courage, la fraternité ; – l’éloge de l’Afrique, de sa culture, de ses valeurs morales ; – les souffrances de l’exil et de la captivité ; – le pardon chrétien ; – l’espoir d’un avenir de paix et de fraternité ; – le souvenir d’une enfance africaine heureuse (« à  l’appel de la race de Saba ») ; – la force de l’oralité. [Haut de page]