Groupement de textes

Discours sur l’esclavage

Le roman de Monique Agénor prend le thème de l’esclavage pour fil conducteur, et choisit des enfants pour personnages principaux, deux éléments qui ne laisseront pas les élèves indifférents.

1. Réflexions générales

Ce récit semble donc propice à un travail de lecture d’un choix de textes et d’Å“uvres qui pourront relayer leurs questionnements et nourrir les débats dans la classe. On a choisi de privilégier des textes du XVIIIe siècle, car ils s’intègrent parfaitement dans le programme de 4e qui préconise d’étudier des extraits de satire ou de critique sociale du siècle des Lumières. D’autres textes, ainsi que des supports audiovisuels sont proposés en complément.


Ces textes conviendraient tout à fait pour construire une séquence en classe de 5e et 4e. Leur degré de difficulté est signalé par des astérisques.

** Bernardin de ST-PIERRE, Paul et Virginie, Gallimard, Folio classique, 2004, p. 126-128, depuis « le bon naturel de ces enfants » jusqu’à « et Paul courut après elle ».
Lire l’extrait en ligne sur le site Parcours littéraires francophones

** Bernardin de ST-PIERRE, Voyage à l’île de France in Paul et Virginie, Gallimard, Folio classique, 2004, p. 287-289, depuis « je ne sais pas si… » jusqu’à « et teint du sang des hommes ».
Lire l’extrait en ligne sur le site Parcours littéraires francophones

Il est intéressant de mettre ces extraits en rapport avec 2 gravures ;
- MOREAU LE JEUNE, Négresse esclave, tirée de Bernardin de St Pierre, Voyage à l’Isle de France, 1773, Paris.
Vous pouvez consulter cette gravure sur un site consacré à « L’esclavage à Bourbon ». [Consulté le 10 octobre 2005].
Disponible sur : http://aphgreunion.free.fr/esclavage.html

- William BLAKE, Le Châtiment de l’esclave marron, gravure tirée de l’ouvrage de John Gabriel Stedman, Narrative of a five years expedition against the revolted negroes of Surinam, Londres, 1976.
Ces gravures de W. Blake se trouvent dans l’article de Dénètem TOUAM BONA,
« Comment dire l’infamie de l’esclavage ? » (publié le 29/07/05), in Africultures. [Consulté le 10 octobre 2005].
Disponible sur :
http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=3918

2. Suggestion d’un roman pour la jeunesse en rapport avec le sujet

* Harriet BEECHER STOWE, La Case de l’oncle Tom (1e ed. 1851), Gallimard, Folio Junior, 1999.
Ce roman phare de la littérature antiesclavagiste américaine du xixe siècle, aujourd’hui jugé bien pensant et moralisateur aujourd’hui, eut un retentissement considérable à son époque. Lincoln salua H. B. Stowe comme « la petite femme qui commença la Grande Guerre »…
Plusieurs chapitres pourraient être mis en relation avec le roman de M. Agénor :
- le chapitre 4, p. 32, intitulé « Une soirée dans la case de l’oncle Tom », décrit les conditions de vie des esclaves dans une plantation américaine ;
- le chapitre 5, p. 40, « Où l’on voit les sentiments de la marchandise humaine quand elle change de propriétaire », développe les arguments des esclaves face à la violence des planteurs, dans le huis-clos de leur cabane. Lire, par exemple, la conversation des esclaves (p. 49-50) sur le thème du marronnage ;
- le chapitre 7, « Les angoisses d’une mère », p. 65, raconte la fuite de la jeune Elisa loin de la plantation et son errance d’esclave marronne.

D’autres romans, comme celui de Daniel VAXELAIRE, Chasseur de noirs (Paris, Flammarion, 2000) ou de Joseph ZOBEL, La Rue Case-nègres (Paris, Présence Africaine, 1974) évoquent ces épisodes de servitude et pourraient être étudiés en classes.

Voir également la bibliographie exhaustive proposée en matière de littérature jeunesse et disponible à la médiathèque du CRDP de Paris.


3. Le prix de l’esclavage : réflexions approfondies à partir de 3 Å“uvres possibles

- Bernardin de ST-PIERRE, Paul et Virginie
- Bernardin de ST-PIERRE, Voyage à l’île de France (Réflexions sur l’esclavage)
- Gustave MOREAU LE JEUNE, Négresse esclave

Objectifs : dégager les différentes prises de positions sur l’esclavage à travers deux extraits de textes de Bernardin de St Pierre, ainsi que dans un document iconographique, Négresse esclave, gravure de Moreau le Jeune illustrant l’essai de B. de Saint-Pierre.

a) Les données historiques
Le 21 mai 2001, l’Assemblée nationale française a voté une loi tendant à la « reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité ». Pourtant, pendant plus de trois siècles et jusqu’à l’abolition de l’esclavage par Victor Shoelcher en 1848, les Européens ont recours aux esclaves dans leurs colonies. Le XVIIIe siècle est à la fois l’apogée de la période esclavagiste et une époque de remise en cause de ce système.

À Madagascar, les esclaves étaient appelés zazahova (enfants d’hommes libres). Cette expression signifie que l’on pouvait aisément tomber dans l’esclavage (soit par dettes, soit par vol, soit par capture à la guerre…).

Il existait simultanément deux débouchés pour le marché des esclaves, l’un interne au pays, entre tribus, l’autre en direction de l’extérieur. En effet, les rois locaux traitaient dès le XVIIe siècle avec les Hollandais, en vendant, par exemple, en 1646, 10 esclaves contre 10 anneaux d’or*. Au cours du XVIIIe siècle, les marchands arabes ont enlevé, chaque année, plus de 1000 esclaves malgaches par an. Quant aux esclaves envoyés à l’île Bourbon, leur prix était d’un baril de poudre, quelques fusils, quelques pièces de toile et une certaine quantité de piastres (jusqu’à 50 couronnes de France).

Nous n’avons pas trouvé de témoignage du XVIIIe siècle sur les conditions de vie des esclaves malgaches à La Réunion, mais il existe des textes fort utiles de B. de St-Pierre à propos de l’esclavage à l’île Maurice.

b) Quelques éléments d’analyse dans Paul et Virginie
La forme de la pastorale permet à l’auteur de développer une utopie sociale fondée sur l’inversion des valeurs occidentales. Le roman raconte l’histoire de deux veuves, Mme de La Tour avec sa fille Virginie, et Marguerite avec son fils Paul, qui se retrouvent seules dans une région isolée de l’île de France et élèvent courageusement leurs deux enfants, entourées par l’affection de leurs esclaves dévoués. L’extrait évoque la figure d’une esclave marronne qui vient supplier Virginie d’intercéder en sa faveur auprès de son maître, un planteur cruel qui maltraite ses gens.

On pourra demander aux élèves de distinguer dans cet extrait deux attitudes diamétralement opposées face à l’esclavage, en établissant un tableau comparatif des deux portraits campés par l’auteur :
1. Virginie : naïve, compréhensive, courageuse ;
2. le planteur : cruel, impressionnant, hypocrite et grossier.
Il sera intéressant d’évoquer en complément l’extrait du chapitre XIX de Candide (cf. bibliographie) qui décrit la triste situation du nègre marron du Surinam.

b) Quelques éléments d’analyse dans Voyage à l’île de France (réflexions sur l’esclavage)
B. de Saint-Pierre répond aux esclavagistes en faisant dialoguer des arguments pour et contre l’esclavage. On pourra demander aux élèves de repérer, dans l’extrait, les différents arguments, puis de les reformuler de la manière la plus simple possible.
- Le 1er argument invoqué par les esclavagistes (« Il est, dit-on, de notre intérêt de cultiver des denrées qui nous sont devenues nécessaires plutôt que de les acheter à nos voisins », p. 287), peut être ainsi reformulé : faire travailler les esclaves dans les plantations est une aubaine au plan économique puisque le coût des denrées s’en trouve réduit. La réponse de B. de Saint-Pierre est cinglante : pourquoi faire travailler des esclaves alors que nous avons d’excellents travailleurs en Europe ? Entretenir des esclaves est très coûteux et peu rentable.
- Le 2e argument des esclavagistes est d’essence juridique : les esclaves seraient protégés par une loi, le Code noir. « On dit que le Code Noir est fait en leur faveur. » (p. 288) Mais selon B. de Saint-Pierre, ce code n’est pas respecté.
- Le 3e argument est exposé par des propriétaires d’esclaves : il faut être brutal avec ses esclaves car c’est la seule façon de maintenir sur eux son autorité. Encore une fois, la réponse de B. de Saint-Pierre est imparable : c’est donc la base du système esclavagiste qui est mauvaise. « Ah ! je sais bien que quand on a posé une fois un principe très injuste, on n’en tire que des conséquences très inhumaines. » (p. 288)
- Enfin, l’auteur pointe la contradiction de la société française de l’époque qui condamne l’injustice mais accepte l’esclavage car il lui permet de goûter au luxe à moindre coût ! « Femmes sensibles, vous pleurez aux tragédies, et ce qui sert à vos plaisirs est mouillé des pleurs et teint du sang des hommes ! » (p. 289)

c) Quelques éléments d’analyse dans la Négresse esclave, gravure de Moreau le Jeune (1773)
Cette gravure (à consulter sur un site consacré à « L’Esclavage à Bourbon » : http://aphgreunion.free.fr/esclavage.html) vient utilement fournir un contrepoint à ces deux textes.
L’image représente un champ de café où l’on voit vivre des esclaves.
Après avoir précisé la technique de la gravure, on pourra étudier avec la classe :
1. la répartition des éléments dans l’espace (1er plan : la négresse, digne, mise en valeur comme protagoniste ; 2e plan : souffrances des esclaves, au fond, montagnes infranchissables, clôture etc.).
2. les éléments qui témoignent de la douleur des esclaves (à rapprocher de la gravure de W. Blake, Le Châtiment de l’esclave marron, (1796) (cf. séance 5), en ligne sur le site d’Africultures :
http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_article&no=3918

* Collection des ouvrages anciens concernant Madagascar, Tome III, sous la direction D’Alfred Grandidier, Paris, Comité de Madagascar, 1908-1920, p. 198-200.